Comment exprimer son amour, sa fidélité, son amitié, son attachement ou son engagement ? Avec un bijou bien sûr ! 

Véritable miroir de notre histoire intime et personnelle, avec lui tout se dit, tout se raconte. Mais quels sont les messages explicites ou au contraire suggérés que délivre ce petit objet si précieux ? Nous vous proposons une balade romantique et joaillière à la découverte du langage codé du cœur.

bijou bateau

Figure 1 : GIULIANO Carlo, Broche deux amoureux dans un bateau. Or, émail, diamants, perles, saphirs, rubis, émeraudes, vers 1880, travail italien, New York, Cooper Hewitt museum, 1969-40-162, © Museum purchase through gift of Anonymous Donor, Annie Schermerhorn Kane, and various donors.

Le bijou comme symbole d’amour au fil du temps :

Connues depuis l’antiquité gréco-romaine et citées dans les écrits de Pline l’Ancien, les bagues d’amour se matérialisent tout d’abord par un simple anneau. Ce bijou que l’on porte traditionnellement au 4e doigt de la main gauche où se situe la « vena amoris », la veine qui relie la main au cœur, symbolise par sa forme circulaire sans fin, l’union éternelle de deux êtres à travers le rituel des fiançailles.

Cet anneau, aujourd’hui gravé à l’intérieur du nom des fiancés et de leur date de mariage, a connu bien d’autres inscriptions sentimentales à travers le temps. À Rome au IIe siècle après J.C, se lisent déjà sur certaines bagues les preuves d’amour suivantes : « souviens-toi de moi » ou « mon bien-aimé ». Celles-ci peuvent être complétées par un motif gravé en relief de deux mains jointes. Ce type de bijou appelé « bague de promesse », « bague foi » ou « mano fede », connaît un véritable engouement au Moyen-âge.

Durant cette période, les sentiments se cristallisent dans l’éclat du métal précieux. Il en est ainsi des bagues d’amour dites « Posy ». Ce nom qui dérive du mot « poesy » en anglais désigne un anneau d’or ou d’argent sur lequel se lisent des messages d’affection à l’instar de « tu possèdes mon cœur ». La mode pour ces serments de tendresse continue aux XVIe et XVIIe siècles et atteint même le XIXe siècle.

bijou bague coeur

Figure 2 : Bague avec un cœur couronné. Or, diamants taille rose, vers 1700-1750, travail néerlandais, Amsterdam, Rijksmuseum, BK-16589

À cette littérature du sentiment, il n’est pas rare qu’on ajoute un répertoire iconographique explicite : cœur simple, cœurs accolés, cœur offert par deux mains, couronné, traversé par une flèche de Cupidon.  Autant de motifs qui viennent renforcer la portée sentimentale du bijou. Une mèche de cheveux de l’être aimé, son portrait peint, ou comme à la fin du XIXe siècle, photographique, complètent parfois ces maximes d’amour. Il arrive également que ces doux mots se raccourcissent, devenant de petits rébus formés seulement par des initiales. Les lettres FMN rappellent ainsi la devise « Forget Me Not ».

Si le bijou permet donc de faire passer un message personnel, les rébus qui y sont ciselés peuvent parfois devenir de véritables phénomènes de mode. On pense notamment aux bijoux qu’a proposé Alphonse Augis dans les années 1909. Reprenant les vers de L’Éternelle Chanson de la poétesse Rosemonde Gérard (1866-1953), dédiés à son époux et dramaturge Edmond de Rostand (1868-1918), ce joaillier lyonnais applique à de petites médailles en or la formule sentimentaliste : « + qu’hier, – que demain ».

Parfois l’expression des sentiments se fait grâce au langage secret des pierres. François Regnault Nitot (1779-1853), joaillier attitré de l’empereur, réalise à la demande de Napoléon Ier plusieurs bracelets dits acrostiches pour sa première épouse, l’impératrice Joséphine. Ces bijoux montés avec différentes pierres, dont l’ordre est choisi de façon à ce que la succession des premières lettres forme un mot, composent le prénom d’Hortense, fille du premier mariage de Joséphine avec Alexandre de Beauharnais et future mère du célèbre Napoléon III : Hessonite, Opale, Rubis, Turquoise, Emeraude, Nicolo, Saphir, Emeraude. Grâce à cet abécédaire gemmologique se créent ainsi des messages cachés et personnalisés.

bijou pendentif

Figure 3 : Pendentif Chien. Or, argent, rubis et diamants, XIXe siècle, travail russe, Richmond, Virginia Fine Art museum, 47.20.403, © Bequest of Lillian Thomas Pratt

 

Ces déclarations joaillières trouvent par l’entremise de divers symboles iconographiques une charge des plus allégoriques. Si au XVIIIe siècle, on favorise le motif des nœuds et des rubans comme incarnation des liens affectifs qui se nouent, le XIXe siècle fait la part belle au serpent. Lové sur lui-même et se mordant la queue, cet ouroboros est un emblème d’amour éternel. Sur les bijoux, le reptile côtoie le chien (Fig.3), gage de fidélité, le papillon, figure de Psyché ou encore la colombe.

En Angleterre, la fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe siècle sont marqués par des bijoux nommés Lover’s Eye (Fig.4). Cette tendance, visiblement lancée par le futur roi Georges IV pour séduire Maria Fitzherbert, consiste à représenter son œil peint dans un petit médaillon orfévré et emperlé. De cette reproduction s’échappe parfois une larme, signe que l’homme possède alors un cœur tendre, un cœur d’or !

bijou broche

Figure 4 : Broche Lover’s Eye. Or, miniature peinte sous verre, perles, début du XIXe siècle, travail anglais, New York, Metropolitan Museum of Art, 2019.283.121, ©Bequest of Mrs. Charles Wrightsman, 2019

Avec le bijou se matérialisent donc nos émotions les plus intimes. Nos relations personnelles se dévoilent. Mains jointes, nœuds d’amants, messages cachés, fleurs ou serpents sont autant d’interprétations poignantes de l’affection et de l’attachement portés à autrui. Pourtant un seul mot suffit pour dire toute la poésie de ce sentiment qu’est l’Amour. Un mot auquel le designer Aldo Cipullo (1942-1984) a donné un nouveau substrat lors de la création du bracelet « LOVE » pour la maison Cartier en 1969.

Pour aller plus loin :

  • CHADOUR-SAMPOUR Beatriz, The Power of Love : Jewels, Romance and Eternity, Édition Unicorn, 2019
  • SCARISBRICK Diana, Le bijou de sentiment de la Renaissance à nos jours, Édition Textuel, 2008
  • SCARISBRICK Diana, Bagues, bijoux de pouvoir, d’amour et de loyauté, Édition Thames & Hudson, 2008

Article rédigé par C.

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