Illustrant la beauté pure d’un ciel d’Avril ou celle plus intense d’un ciel d’été, le saphir est une pierre qui depuis les temps reculés a su nous captiver. Si l’on apprécie toujours sa teinte bleue des plus apaisantes, cette gemme précieuse appartenant tout comme le rubis à la famille des corindons a d’autres couleurs à sa palette.

Quelles sont-elles ? Dans les sous-sols de quels pays trouve-t-on aujourd’hui le saphir ? Quelles célèbres pierres ont marqué l’histoire ?

Aujourd’hui, nous vous invitons à découvrir toutes les facettes de cet azur minéralisé.

Du syriaque Saphilah et du grec Sappheiros le mot « saphir » a longtemps été employé pour désigner les gemmes de couleur bleu. Pline l’Ancien dans son Histoire Naturelle (chapitre XXXIX du livre XXXVII) parle du saphir qu’il décrit toutefois comme une pierre parsemée de poussière dorée. L’écrivain évoque en fait une autre gemme céruléenne bien connue pour ses inclusions de pyrite : le lapis-lazuli. 

Si la confusion entre ces deux minéraux perdure pendant un certain temps, le saphir est contrairement au lapis fréquemment utilisé sous la haute Antiquité dans l’art de la glyptique. Malgré son extrême dureté (9 sur l’échelle de Mohs), la pierre est en effet travaillée en intaille sur de nombreuses bagues grecques et romaines comme en attestent certains bijoux présents au sein de la collection du Cabinet des Médailles et Antiques.

Saphir

Figure 1 : Bague de dévotion, or et saphir taille cabochon ovale, travail anglais ?, XIIIe siècle, ©  Griffin Collection Accession Number: L.2015.72.10 MET

Au Moyen-âge et à la Renaissance, la couleur bleutée du saphir l’associe rapidement à la dimension céleste et aux vertus chrétiennes qui en découlent. La gemme incarne alors l’illumination divine et symbolise la fidélité, la loyauté, la sincérité et la grâce de dieu (Fig.1).

Le Talisman de Charlemagne, aujourd’hui conservé au Palais du Tau à Reims après être passé entre de nombreuses mains, est un bon exemple de l’affiliation du saphir à la religion. Ce reliquaire portatif du IXe siècle en forme d’ampoule de pèlerinage présente au centre de son revers un gros saphir en cabochon couplé à l’avers d’un verre dopé au cobalt. Ceux-ci renfermés à la base des cheveux attribués à la Vierge Marie substitués au XIXe siècle par des échardes de la vraie croix.

Il n’est donc pas rare de voir sur de nombreux anneaux sigillaires du Moyen-âge la présence de saphir pour évoquer sa foi mais également son pouvoir de droit divin. Si cet aspect est palpable sur la bague de Saint Louis (conservée au musée du Louvre) figurant le roi couronné et nimbé tenant entre ses mains le sceptre et le globe, la représentation du Christ ou de la Vierge atteste également de cette dimension (Fig.2 et 3).

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Figure 2 : CASTELLANI, Collier avec camée figurant le visage du Christ de Veronica Veil. Or, saphirs, travail italien, vers 1870, New-York, MET, 2014.713.1, © Gift of Judith H. Siegel, 2014

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Figure 3 : WIÈSE Louis, Pendentif représentant la Vierge Marie dans un motif architecturé quadrilobé de style néo-gothique. Or, perles et saphirs taille cabochon, vers 1890-1900, Amsterdam, Rijksmuseum, BK-1975-95, © Gift of Kunsthandel Inez Stodel

En 2017, une étude menée entre autres par Gérard Panczer, Geoffray Riondet et Lauriane Forest, a permis de démontrer la provenance du saphir présent sur le Talisman de Charlemagne. Celui-ci serait originaire de Ceylan et dit « geuda ». Il n’est pas rare que l’on fasse subir à ce type de saphir gris-bleu pâle un traitement de chauffe pour améliorer l’intensité de sa teinte. 

La couleur bleue du saphir est dûe à la présence, au sein de cet oxyde d’aluminium (Al2O3), de fer et de titane. Si ces nuances colorées sont variées, leurs tonalités oscillent selon leurs provenances. 

  • Bleu pastel (Sri-Lanka)
  • Bleu-bleuet (Cachemire)
  • Bleu royal (Ceylan et Myanmar)
  • Bleu nuit (Thaïlande)
  • Bleu vert (Australie)

Au bleu, s’ajoutent d’autres teintes. En effet, le rose, le violet (favorisé par la présence de vanadium), le vert et le jaune s’invitent dans l’arc-en-ciel des couleurs que possède le saphir. Pour définir la gemme on associe le mot « saphir » à sa couleur. Le terme saphir, employé seul, désigne forcément une pierre de tonalité bleue. Lorsqu’il est incolore on parle de « leucosaphir ».  

Seul saphir à avoir sa propre appellation, le « padparadscha » qui signifie « fleur de lotus » en cinghalais est doté d’une exceptionnelle et intense couleur rose-orangé. Extrêmement rare et donc très recherchée, cette pierre d’exception se trouve dans les mines du Sri-Lanka et de Madagascar.

Outres ces deux pays, on trouve aujourd’hui des saphirs dans les mines thaïlandaises de Chanthaburi et Kanchanaburi, à Pailin au Cambodge, à Longido en Tanzanie, dans le Montana aux États-Unis ainsi qu’en Australie dans le Queensland (depuis 1870). Connus depuis l’Antiquité, les sous-sols de Ratnapura à Ceylan sont réputés comme gisements historiques tandis que le Zaskar dans le Cachemire indien, exploité depuis la fin du XIXe siècle, est célèbre pour ses gemmes à la couleur veloutée incomparable. Très prisés sur le marché, les saphirs de cette région frontalière, dont les mines sont de nos jours fermées, sont d’une grande rareté. 

Connu pour ses inclusions que l’on nomme poétiquement « ailes de papillon », le saphir peut également présenter des aiguilles de rutiles. Parfois lorsque la pierre est taillée en cabochon, celles-ci laissent apparaître grâce au reflet d’un rayon lumineux sur la surface du minéral une étoile à 6 branches. On parle alors de saphir astérié ou étoilé. Le « Star Of India », l’étoile de l’Inde est considéré avec le « Black Star of Queensland » comme l’un des plus gros saphir étoilé. Découvert dans les mines sri-lankaises, il pèse 563.35 carats et est conservé dans les collections du muséum d’histoire naturelle de New York après avoir fait l’objet d’un vol en 1964.

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Figure 4 : Le « Star of India », saphir astérié de 536.35 carats, New York,  Muséum d’Histoire Naturelle, © Daniel Torres, 2007

Autre saphir célèbre, l’un des plus gros connus du XVIIe siècle : le Grand Saphir de Louis XIV. Offerte en 1669 au souverain, la gemme provenant du Sri-Lanka a connu de nombreuses péripéties. Après avoir échappé à un projet de retaille sous Louis XV, elle est volée en 1792 puis finalement retrouvée. De forme rhomboïde, unique au monde, on doute de sa nature et on finit par placer cette pierre d’environ 136 carats dans les collections du muséum d’histoire naturelle de Paris où elle a fait l’objet de nombreuses études.

En 1915, Joseph Surmont dans son ouvrage Les pierres précieuses, dédie un quatrain au saphir. Grâce à ces quelques vers, l’auteur saisit toute la puissance et l’essence symbolique de cette gemme qui renferme à elle-seule, le ciel, la mer et le bleu de la nuit :

« Bleu de Roi, bleu de Reine, ou bleu d’un ciel d’azur,

Emblème de l’amant, fidèle à la tendresse, 

Vous êtes l’idéal de l’amour le plus pur,

 L’amour sentimental, affranchi de tristesse »

Pour aller plus loin :

Pierres Précieuses, catalogue d’exposition sous la direction de FARGES François,
Paris, Flammarion, 2020.

– VOILLOT Patrick, Les saphirs du Cachemire, Documentaire : voir le documentaire

– SCHUMANN Walter, Guide des pierres précieuses, fines et ornementales, Delachaux et Niestlé, 2021

Article rédigé par C.

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