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La recherche de l’éclat,
ou l’Art de tailler les gemmes

Il faut que ça brille !

Véritables trésors de la terre, les pierres gemmes ont depuis la nuit des temps fasciné l’homme pour leur capacité à capter les rayons du soleil. Comment mettre alors en valeur ces joyaux de lumière ?

Comment les tailler pour faire ressortir leur plus beau scintillement ? Quelles tailles favorise-t-on selon les époques ? Comment évoluent certaines d’entre elles ? Trésors d’Avant vous en dit un peu sur l’histoire et les caractéristiques de l’art lapidaire.

La recherche de l'éclat ou l'art de tailler les gemmes

Figure 1 : Bracelets. Or jaune, perles, améthystes et saphirs taille cabochon, émeraudes, opales, verre, vers 500-700 ap. JC, Empire Byzantin, probablement fabriqué à Constantinople, New York, Metropolitan Museum of Art, Gift of J. Pierpont Morgan, 17.190.1670, © Cadeau de J. Pierpont Morgan, 1917.

L’art de tailler les gemmes consiste à donner une forme avantageuse aux pierres fines et précieuses. Cette opération s’opère en plusieurs étapes : on clive tout d’abord la gemme puis on la facette avant de la polir.

Par cette action délicate et technique, le lapidaire comme le diamantaire* cherche à lui offrir un maximum d’éclat et de brillance. Pratiquée en Mésopotamie et en Égypte antique, la taille dite cabochon est l’une des plus anciennes. Cette taille, qui se caractérise par une base plane et un dessus convexe, est également favorisée sur les bijoux et pièces d’orfèvrerie de l’Empire Byzantin et du Moyen-Âge (Fig.1). C’est justement au cours de cette période riche en innovations techniques et découvertes qu’apparaissent les premiers essais de facettage du diamant.

La recherche de l'éclat ou l'art de tailler les gemmes

Figure 2 : WOEIRIOT Pierre, Modèle d’anneau issu du Livre d’anneaux d’orfèvrerie, planche gravée sur cuivre, Lyon, chez Guillaume Rouillé, vers 1560, Paris, Bibliothèque de l’INHA, Collection Jacques Doucet, NUM 8 RES 82.

La recherche de l'éclat ou l'art de tailler les gemmes

Figure 3 : Bague d’homme. Argent, or et diamants taille rose, vers 1725-1750, Amsterdam, Rijksmuseum, NG-2011-24, © Acquis avec le soutien de the Maria Adriana Aalders Fonds/Rijksmuseum Fonds.

Le XIVe comme le XVe siècle, marque ainsi l’arrivée de la taille en « pointe naïve », conservant la forme initiale du cristal brut en octaèdre (Fig.2), de la taille en écu, ou en rose.

Cette dernière taille qui se définit par une base plate et un dessus en dôme facetté connaît plusieurs déclinaisons. On parle d’une taille en rose simple lorsque la gemme présente 6 facettes, d’une rose anversoise pour 12 facettes et d’une rose hollandaise ou couronnée pour 24 facettes (Fig.3).

Profitant de l’invention du disque en fonte enduit de poudre de diamants, c’est au cours de l’année 1465 que le brugeois Louis de Berquem invente la taille dite 16/16. Une taille de diamant composée de 33 facettes qui favorise davantage les jeux de lumière au sein de la pierre que la taille rose.

Les avancées en matière de taille de gemmes se poursuivent au XVIIe siècle lorsque le cardinal Jules Mazarin, premier ministre de Louis XIV et connu comme fervent collectionneur de diamants, développe une taille à 34 facettes portant son nom. Il faut toutefois attendre 1681 et le travail du lapidaire vénitien Vincenzo Peruzzi pour que le diamant prenne une forme proche de celle que l’on connaît aujourd’hui.

Si les pierres du XVIIIe siècle favorisent le modèle développé par Peruzzi, d’autres tailles émergent. La taille dite « marquise » dont la légende raconte qu’elle aurait été commanditée par Louis XV serait une évocation de la bouche parfaite de la favorite du souverain, la marquise de Pompadour.

La taille dite « Peruzzi » ou taille ancienne comprenant 58 facettes (avec la culasse coupée) (Fig.4) se fixe par la suite entre les mains des diamantaires du XIXe siècle comme Martin Coster. Fondée en 1840 par Moses Coster et basée à Amsterdam, cette ancienne fabrique de diamants installée dès 1851 à Paris taille les gemmes des plus grands souverains du monde entier.

Napoléon III, la reine Élisabeth de Bavière ou encore la reine Victoria font ainsi appel aux mains lapidaires de cette célèbre maison. La découverte de nouvelles mines en Afrique du Sud sous le Second Empire démocratise le diamant. Porté par l’engouement pour cette gemme précieuse, le joaillier Joseph Chaumet (1852-1928) et son frère Léopold fonde en 1894 à Auteuil, une taillerie.

La recherche de l'éclat ou l'art de tailler les gemmes

Figure 4 : MAISON ROUVENAT (attribué à), Broche. Or jaune, émail et diamants taille ancienne à 58 facettes, 7.6cm, vers 1867, New York, Metropolitan Museum of Art, n°47.99, © Bequest of Xenophon Leonidas Mavroidi, 1946.

Si le début du XXe siècle est marqué par le succès des pierres calibrées et de la taille Asscher, mise au point par le néerlandais Joseph Asscher (1871-1937) en 1902, les recherches sur la taille idéale du diamant continuent de se développer.

L’américain Henry Morse (1826-1888), qui avait profité de la popularisation du diamant au siècle précédent pour ouvrir en 1860 une première taillerie à Boston, et mis au point une machine pour dégrossir les facettes de la couronne permettant ainsi de mieux capter et disperser la lumière dans la pierre, influencera les réflexions du mathématicien et gemmologue belge Marcel Tolkowsky (1899-1991).

Ce dernier améliore les proportions à donner au diamant et établit en 1919 dans son ouvrage Diamond Design1, écrit à l’âge de seulement 19 ans, la meilleure formule pour le tailler : la taille brillant rond moderne à 57 facettes dont 32 pour la couronne et 24 pour la culasse, tout en ajoutant la table. Avec son « Ideal Cut » qui annonce les normes de la taille brillant fixées par l’International Diamond Council depuis 1978, Marcel ouvre la voie…

Bientôt rattrapé par Gabriel Tolkowsky, son petit neveu, qui triple la taille idéale du diamant pour en proposer une version à 105 facettes ! Une ode à la virtuosité pour toujours plus d’éclat et de brillance !

Pour aller plus loin

 

  • Pierres Précieuses, catalogue d’exposition sous la direction de FARGES François,
    Paris, Flammarion, 2020.
  • GORDON Christine, Diamant, de la roche brute à la magie de la pierre taillée, Paris, Citadelles et Mazenod, 2008.
  • SCHUMANN Walter, Guide des pierres précieuses : pierres fines et ornementales, Paris, Delachaux & Niestlé, 2000.

1 TOLKOWSKY Marcel, Diamond Design : A Study of the Reflection and Refraction of Light in a Diamond, New York, Spon & Chamberlain, 1919.

Article rédigé par C.

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