La nature a revêtu son manteau blanc ? Installez-vous confortablement sous un plaid, munissez-vous d’une bonne tasse de chocolat chaud, nous vous emmenons à la découverte des maisons de joaillerie et créateurs qui se sont inspirés de la période hivernale et de l’effervescence des fêtes de fin d’année dans leurs bijoux.
Figure 1 : FALGUIERES Gabriel, Broche/Pendentif Orphée. Or, diamants et pierre dure, vers 1901, vendue chez Christie’s New York, le 23 octobre 2001 (lot 324)/ © Christie’s
Hymne joaillier glacé en bijouterie
Alors que l’univers gelé est évoqué avec virtuosité dans la broche Orphée en or, pierre dure et diamants du joaillier Art Nouveau Gabriel Falguières (Fig.1), il trouve sa plus brillante expression dans le diadème Stalactites de Joseph Chaumet. Réalisé en 1904, ce magistral bijou glacé de platine et de diamants a été acheté par Louis César, marquis de Lubersac pour sa future épouse. Un cadeau de mariage complètement givré !
Au début du XXe siècle, le thème hivernal s’installe également dans les créations du célèbre Peter Carl Fabergé. C’est notamment grâce au talent de designer d’Alma Pihl (1888-1976), fille du joaillier en chef de Fabergé à Moscou, que fleurs de givre et cristaux de neige scintillent sur les créations de la célèbre maison de joaillerie russe. En 1911, Alma est chargée par le baron du pétrole, Emanuel Nobel (1859-1932), de concevoir 4 broches pour les offrir aux épouses de ses clients lors d’une soirée donnée en leur honneur sur la thématique de l’hiver (Fig.2). L’industriel ravi de ces réalisations commande en 1913 un œuf de glace en cristal de roche, platine et perles de semences.
Figure 2 : FABERGÉ, dessin d’Alma Pihl et réalisation d’Albert Holmtröm, Pendentif Flocon. Cristal de roche, diamants taille rose, vers 1913 vendue chez Sotheby’s Londres, le 26 novembre 2019 (lot 304)/ © Sotheby’s
Ces premières commandes sont complétées par la prestigieuse réalisation de l’illustre Œuf de l’Hiver offert par le Tsar Nicolas II en cadeau à sa mère, la tsarine Maria Fedorovna lors des fêtes de Pâques de 1913 (Fig.3). L’œuf réalisé encore une fois en cristal de roche s’ouvre sur une corbeille d’edelweiss. Ces étoiles des glaciers conçues en calcédoines blanches sont complétées en leur centre par des grenats démantoïdes en provenance des montagnes de l’Oural. De quoi exprimer avec maestria le froid des hauts sommets.
Figure 3 : FABERGÉ, d’après un dessin d’Alma Pihl, Œuf de l’Hiver (Winter Egg). Cristal de roche, diamants, platine, or et calcédoines, grenats démantoïdes, vers 1913– vendu une première fois chez Christie’s Genève en 1994 puis chez Christie’s New York en 2002
Dans les années 1940-1950, tandis que l’italien Fulco di Verdura (1898-1978) givre les pommes de pin (Fig. 4) Van Cleef and Arpels glace ses clips en Cristaux de neige. Le flocon, sujet populaire après la Seconde Guerre mondiale dans les créations de cette maison de joaillerie, devient un incontournable et brille encore dans des modèles plus actuels.
En 2016, l’entreprise de la place Vendôme honore la traditionnelle joaillerie blanche en s’inspirant de motifs hivernaux. Rubans de glace et fleurs hibernées, la collection Contes d’Hiver traduit avec poésie la beauté du gel. Pourtant la magie des grands froids est présente depuis longtemps au sein des créations de la maison. En 1970, déjà, avec le modèle Rose de Noël, spécimen qui n’éclot qu’en hiver, Van Cleef and Arpels donnait à voir un symbole de bonheur et d’espoir à venir.
En 2017, c’est au tour de la maison Boucheron d’imaginer un hymne au froid glacial. À travers la collection Hiver impérial, ode aux terres enneigées russes, Claire Choisne, directrice artistique, développe des modèles monochromes. L’évocation givrée et glacée de cette saison si particulière se matérialise avec élégance et dextérité dans l’emploi du cristal de roche, des diamants, des pierres de lunes et des perles.
Figure 4 : FULCO DI VERDURA, Broche Pomme de pin. Or, platine, diamants, vers 1951, vendue chez Phillips New York, le 9 décembre 2019 (lot 131)
Sapin, mon beau Sapin : l’essor de la bijouterie fantaisie
Si la maison de joaillerie américaine Tiffany exploite dès les années 1930 la thématique du sapin de Noël, le motif se popularise grâce aux créateurs de la bijouterie fantaisie. A l’orée des années 40, la bijouterie faite de matières non précieuses se démocratise et accompagne le développement du prêt-à-porter. Des firmes américaines s’emparent de la magie des fêtes de fin d’années. Le sujet en bijouterie est alors visible chez :
- Trifari
- Corocraft
- Stangley Hagler
- Hobe
- Hollycraft
- Cristobal
Dès 1941, Eisenberg, à l’origine simple marque de vêtements, joue « à la manière de la haute joaillerie » sur le thème de Noël avec la création de bijoux pensés par Ruth Kamke. Couronnes de gui, anges de Noël, sucres d’orge, bonhommes de neiges et arbres de Noël prennent vie dans l’utilisation du métal doré, de fausses perles, d’émail et de strass aux couleurs traditionnelles des fêtes (Fig.5).
Figure 5 : EISENBERG ICE, publicité des années 1980 et broche Eisenberg Ice en métal doré avec émail blanc givré ponctué de strass imitant le rubis et l’émeraude, vers 1980
Devant ses premiers succès, la bijouterie fantaisie de Noël continue son ascension. Les années 1950 sont marquées par un essor fulgurant de cette tendance. Les Américaines raffolent de ces petites broches figuratives qu’elles envoient à leurs maris, fils ou frères partis se battre en Corée. L’esprit de Noël voyage alors pour réchauffer les cœurs.
La popularité des bijoux en forme de sapin décoré n’en finit pas de croître et devient une véritable mode. Chaque année, les sociétés de bijouterie fantaisie, à l’instar de la maison Swarovski à partir de 1990, sortent à l’occasion des fêtes une collection spéciale. Souvent produite en édition limitée et distribuée dans les grands magasins, celle-ci présente souvent des pièces recherchées et collectionnées.
Si aux emblématiques conifères parés de gemmes d’imitation s’ajoutent traîneaux de Santa Claus, et cloches, l’esprit de Noël ne serait pas complet sans l’évocation de Casse-Noisette. Les personnages de ce célèbre conte traditionnel allemand, adapté en ballet-féerie par Piotr Illitch Tchaïkovski en 1892, s’animent aussi bien chez Monet, l’un des leaders de la bijouterie fantaisie dans les années 1940 que dans les créations joaillières de la maison Van Cleef and Arpels en 2007 avec la collection Ballet Précieux.
Haute joaillerie ou bijouterie fantaisie, l’univers de Noël s’invite donc à travers des créations évocatrices et des compositions scintillantes reflétant avec brio la magie des fêtes de fin d’années.
Figure 6 : SWAROVSKI, Broche Cadeau. Métal doré, nœud en émail rouge et strass, vers 1994
Pour aller plus loin :
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YUNKER TROWBRIDGE Nancy, Christmas Tree Pins, Atglen, Schiffer Publishing, 2002
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GALLINA Jill, Christmas Pins, past & present, Collector Books Editor, 1995
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MORRISON Mary, Christmas Jewelry, Schiffer Pub., 1999
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MILLER Judith, Les bijoux « Couture », bijoux fantaisie de collection, Paris, Günd Éditeur, 2007
Article rédigé par C.